COLOMBIE BRITANIQUE
Vancouver - La belle de l'ouest
VANCOUVER
LA BELLE DE L'OUEST
Mars 2019
On arrivant à Montréal il y a quatorze ans, je pensais partir régulièrement en exploration du Canada. Je m’imaginais aller à la gare le vendredi soir et prendre le prochain train pour n’importe où, découvrir une nouvelle ville chaque fin de semaine. Non seulement ça ne s’est jamais produit, mais je suis uniquement sortie du Québec pour aller à Toronto, en Ontario. C’est que le Canada, c’est grand, très grand. Vancouver est aussi loin que l’Europe. Et comme mon travail me permet de prendre des congés essentiellement en hiver, je pars plus volontiers vers des pays chauds.
Mais cette année, ça se passe. Quatre jours à Vancouver. Je devais m’y rendre en train, avec le légendaire Transcanadien. Deux amies devaient m’accompagner jusqu’à Jasper, où on aurait fait la connaissance des Rocheuses, puis j’aurais continué toute seule, jusqu’au Pacifique. Mais voilà, on a appris à la dure que ViaRail, la compagnie de train Canadienne n’est pas très fiable. Les chemins de fer sont privés, et les trains de passagers doivent se mettre de côté pour laisser passer les trains de fret; à chaque fois. Dans notre cas, le train avait pris tellement de retard, qu’il s’était arrêté à mi-chemin pour repartir. Des mois de préparations, discussions, rêves en couleurs ont été relégués à l’imaginaire par un simple message sur répondeur. Votre train a été annulé, avec aucune alternative…
Sauf que j’ai un billet d’avion Vancouver-Népal, mon appartement est loué, fait que, j’arrive. En avion. J’ai hâte de voir les Rocheuses depuis le ciel, de leur faire mes excuses, expliquer mon absence et prendre un autre rendez-vous. Mais une couverture bien épaisse de nuages les cache, après un deux tiers de vol limpide. Mon amie a raison, ça à l’air qu’il y a une secret là-bas qu’on veut nous cacher.
À mon arrivée, il neige! Évidemment. Je loue une chambre dans un airbnb, tenu par un couple Philippin, Ronaldo et Marylin. Elle me dit de penser à Marylin Monroe pour retenir son prénom. C’est vrai qu’elles doivent faire à peu près la même grandeur, à part ça… mais c’est efficace, je vais m’en souvenir. Elle me parle de son enfance au pays, où elle jouait tout le temps dehors, mangeait les produits de la ferme de ses parents, sans pesticides, et de son adaptation au Canada il y a vingt ans. On est déjà de vieilles amies.
JOUR 1
Au matin, je me promène dans l'agréable quartier résidentiel Grandview Woodland. Les maisons sont comme des soeurs, mais uniques en même temps. Chacune a sa personnalité, sa déco recherchée, avec vue sur les montagnes. C’est un quartier où on aimerait avoir grandi.
Je vais ensuite vers Gastown, près de la baie. Mais le temps est gris, froid, et je me lasse vite de ces rues. Alors je prends le bus pour aller au chaud au musée d’anthropologie. Je ne pensais pas y aller, pour plutôt profiter de l’effervescence de la ville. Quatre jours, ça passe vite. Mais je suis bien contente que la fraîcheur matinale m’est fait changer d’avis. Je descends quelques arrêts en avance, en plein campus de UBC (University of British Columbia). Ok, après avoir grandi à Grandview Woodland, tu veux venir faire tes études ici. Le campus est de taille américaine; de beaux grands bâtiments, reliés par des rues larges majoritairement piétonnes et bordées de séquoias.
Le musée est beau et élégant, centré sur la culture des Premières Nations. Le grand hall d’entré est décoré de totems, canoës sculptés et autres gravures. On est saisis dès le premier instant. S’ensuit un dédale de petites pièces exposant une quantité infinie d’artéfacts de peuples autochtones de partout dans le monde. Je me rattache à une visite guidée (offerte par le musée) et en apprend un peu plus sur le sujet. D’abord, l’idée elle-même du musée est un dilemme pour les Premières Nations. Beaucoup de ces objets ont été donnés ou vendus dans des temps de pauvreté, ou des temps où la culture de ces familles étaient menacée. Les exposer est à la fois une offense (pour les masques sacrés, les vêtements de cérémonie, les totems ancestraux retirés de leur terre d’origine...), et une façon de réconcilier (ou d’apaiser) les Blancs à ces cultures. Dévoiler son intimité pour se faire accepter. Les Blancs n’acceptent pas ce qu’ils ne comprennent pas.
Chaque famille possède ses histoires et chansons, qui en principe ne doivent pas être partagées avec les étrangers, mais uniquement de génération en génération. J’envie ces croyances, ces magies, ces animaux enchantés et ces incantations. Ils donnent une raison à tout, un but à l’existence. Même les objets du quotidien mêlent l’utile à l’ornement. Les canoës sont creusés dans un unique tronc de cèdre. Ensuite des pierres chaudes y sont déposées, puis l’embarcation recouverte d’une toile. La vapeur permet de finir de lui donner sa forme et de fortifier le bois.
Le soleil est ressorti et donne plein d’énergie pour continuer à apprendre et explorer la ville. Je rejoins Danielle, rencontrée il y a un an à San Francisco avec son amie Sonia, pour une promenade à Stanley Park. C’est une péninsule de forêt, qui plonge dans la baie; une sorte de Central Park balnéaire, avec vue sur les paquebots, la station de ski de la rive opposée, et une odeur de varech. Danielle me raconte que l’année des jeux olympiques d’hiver, en 2010, il n’était tombé aucun flocon de neige dans la région. On a dû aller en chercher sur des montagnes à cinq heure de route et la ramener par bennes. Elle me parle du climat, qui sort rarement de la braquette 0-30 degrés (le rêve!), du prix de l’immobilier qui n’a pas de bon sens, et de ses souvenirs de courses à pied l’été dans ce parc, avec son équipe de ski.
JOUR 2
Aujourd’hui s’annonce être la journée la plus ensoleillée de mon séjour, c’est parfait pour une randonnée. Il y en a beaucoup à faire proche de la ville. Sonia, à défaut d’être à Vancouver, m’a fait une longue liste de recommandations de choses à faire, voir et manger. C'est comme ça que je m'embarque sur le Baden Powell Trail. Le nom rappelle des souvenirs de jeunesse à ma mère, qui m’apprend que monsieur Robert Baden-Powell est le fondateur du scoutisme; ça s’annonce bien. Les transports en communs du Vancouver, qui ridiculisent ceux de Montréal, désolée ville chérie, m’amènent rapidement à Deep Cove, une adorable petite ville dans Vancouver North. Il y règne un bon air de printemps, qui donne envie d’aller marcher en forêt. Mais avant de commencer, je suis des sources sures m'ont avisée des beignets chez Honey’s; du genre de ceux fait avec amour, au sucre encourageant.
Quarry Rock est le point de départ de la Baden Powell trail. Il y a pas mal de monde, dont un père et son enfant de six ans environs, qui courent main dans la main. Je les retrouve en haut d’une côte, sur un gros rocher qui dévoile un panorama de la région. La fierté du fils se reflète dans celle du père.
Tandis que la plupart des marcheurs retournent à Deep Cove, je continue sur le chemin du scoutisme. Les petits tas de neige éparses recouvrent de plus en plus le chemin, jusqu’à le voiler complètement. Il y a un hiver à Vancouver finalement. J’aime les érables de mon Québec, mais les séquoias ont ce don de nous remettre à notre place tout en nous protégeant, et me donnent l’impression d’être dans un monde enchanté. Si j'arrive è trouver un farfadet, j'emménage.
Je croise de moins en moins de marcheurs, hormis quelques chiens qui promènent leurs compagnons, et des coureurs. Il y a une course en cours. Des athlètes au visage de monsieur tout le monde me dépassent avec toute mon admiration. Des bénévoles sont dispersés par paires aux croisées des chemins, pour orienter les participants et leur donner des morceaux d’orange, et à moi aussi par la même occasion. Le silence de la forêt est parfois coupé par des encouragements lointains.
Le trajet est en général bien indiqué, ce qui ne m’empêche pas de m’égarer à un endroit. Ma carte et ma toute nouvelle habileté à identifier des traces de pas dans la neige m’aident à retrouver mon chemin. À un croisement désert, une brésilienne me demande une direction, mais je ne peux l’informer que sur la mienne; elle me demande si elle peut m’accompagner. Et bien pourquoi pas? Elle s’appelle Andreza, mère de deux enfants, elel voyage seule pour la première fois pour faire une immersion en anglais. Elle m’impressionne autant par son courage, que par sa capacité à randonner dans la neige chaussée de simples Vans. Et elle glisse moins que moi!
On croise la 30 Feet Pool, parfait pour une pause lunch. C’est un petit canyon de trente pieds de profondeur, qui doit être envahi l’été. On poursuit sur un pont suspendu, au-dessus d’un beau torrent aux bords gelés, pour arriver au Lynn Canyon Park. On se récompense d’un bon chocolat chaud surmonté de crème chantilly en se parlant du Brésil (tiens, un autre pays à rajouter sur ma liste).
Au bord de l’eau, il y a la Polygone Gallery. Je n’ai pas beaucoup de temps avant la fermeture pour voir sa belle collection de photos, mais j’arrive à trouver des clichés de Man Ray. J’adore quand j’arrive à mêler plein air et culture dans la même journée, ça me donne l’impression d’avoir tout accompli. Le coucher de soleil chauffe le Lansdale Quay Market et la berge. Je me croirais presque en vacances d’été. Le seabus me ramène en ville pour clore parfaitement cette journée.
JOUR 3
Le parc Queen Elizabeth est sur une colline qui offre une belle vue sur la ville. À son sommet, une biosphère tropicale avec orchidées et perroquets fait voyager un peu.
En suivant les conseils de Sonia encore, je vais voir le documentaire Great Bear Rainforest à la géode du musée des sciences. Ça fait deux jours que je marche et je mérite une petite pause. Ce film en Imax montre la beauté de la Colombie Britannique à son extrême, avec ses forêts, ours, autochtones qui savent vivre dans la nature sans s’imposer. Un délice pour les yeux.
Je passe du temps ensuite sur Main Street, en essayant de ne pas tester toutes les pâtisseries. Je fais une pause dans un des bars invitants et fait un bilan de la ville, essayant de me convaincre de ne pas y emménager dans l’instant.
Pour le souper, je ressors la liste de Sonia et vais au Eatery, manger d’excellent sushis dans un décors fluorescent, avec la non retenue japonaise.
JOUR 4
Aux dernières nouvelles, il va pleuvoir vingt millimètres aujourd’hui. Le déluge n’ayant pas encore commencé à mon départ, je me diriger à pied vers Granville Market, à deux heures de marche de mon quartier de résidence, Renfrew Collingwood. Je prendrai un bus quand il se mettra à pleuvoir ou quand je serai tannée. Aucun des deux ne se produit.
Le quartier de mon airbnb est formidable. Je le trouvais loin du centre-ville en arrivant, mais il est tout compte fait parfait (et bien desservi par les transports en commun dont je ne peux que faire l’éloge). Chaque maison donne envie d’y vivre, les rues sont agréables, et la vue sur les montagnes n’est que la cerise sur la gâteau. S’ensuit un bout plus ennuyeux, qui a failli me faire prendre un bus, jusqu’à ce que j’arrive au bord de l’eau de Fairview. C’est un petit espace naturel dans la ville, pour promener chien et/ou enfant, et profiter d’un centre d’activité dans lequel j’imagine les cours de yoga avec bébé, la piscine pour aquagym et parc social. Il y a tant de choses à observer.
Granville est comme une fête foraine reconvertie en espace marchand. Des magasins en tout genre (tee shirts pour touristes, forgeron, ateliers de peintres et vente de tissus…) placés dans des baraquements en face d'un marché de poissons, débarqués du bateau amarré cinq mètres plus loin. Au bout de l'excroissance de terre, se tient le marché. Je m’arrête pour déguster un bon plat asiatique, en regardant dehors, et y voir une femme qui promène son aigle et autres scènes de vie quotidienne.
La pluie commence, mais pas si forte, et j’ai encore envie de marcher. Je vise Gastown, pour lui donner une seconde chance. La traversée de ponts me permet d’avoir une bonne vue sur les jardins en terrasses, comme si cette métropole, au milieu de la nature géante (séquoias et montagnes de six mille mètres), refusait de se cloîtrer complètement de brique et de béton. L’absence du végétal n’est même pas envisagée.
À Gastown, je vais au café Revolver, sous les conseils de Danielle. Un très bon oolong me réconcilie avec le quartier et me permet de faire de doux au revoirs à cette ville pleine de charmes.














