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ROAD TRIP VERS LA NOUVELLE ORLÉANS

Février-Mars 2020

Cleveland - Ohio
Saint-Louis - Missouri
Mammoth Cave National Park - Kentucky

Nashville - Tennessee
Memphis - Tennessee
Nouvelle Orléans - Louisianne
Jekyll Island - Géorgie
Savannah - Géorgie
Ashville - Caroline du Nord

    Une invitation a été lancée; celle de fêter Mardi Gras à la Nouvelle Orléans. C’est le genre d'offres qui ne se refuse pas. Le plan initial est d’y aller en train en passant par New York, et de revenir en avion. Le train reliant New York à la Nouvelle Orléans s’appelle le Crescent, et est paraît-il une belle immersion progressive vers le Sud. Paraît-il. Mais comme les trains ne m’aiment pas toujours, on me prévient un mois avant le départ que celui-ci est annulé; mais si je le veux, on peut m’échanger mon billet contre une balade en bus de quelques dizaines d’heures… je passe. Depuis le temps que je parle de mon désir de parcourir les États-Unis en voiture, ça a l’air de que c’est maintenant que ça va se passer. J’imaginais mon road trip plus dans l’ouest, mais je ne vais pas me plaindre. 

    Je passe des heures à explorer la carte des États de l’est, un peu paralysée par toutes les possibilités, et en me demandant si ma vieille toyota echo (dénommée Tiger) en est capable, et moi avec. Après un appel à conseils, je dédie l’aller à la musique, et on verra plus tard pour le retour.

    Je dois être à la Nouvelle Orléans le 20 février. Je me prévois dix jours pour descendre, en alternant la conduite et la visite. Les étapes seront Cleveland, Saint-Louis, le Mammoth Cave National Park, Nashville et Memphis.

DÉPART VERS CLEVELAND - 1027 Km

    Le premier jour est le plus intense niveau kilométrage à parcourir. Et Montréal est en plein changement de décors; elle fête mon départ avec une magnifique tempête de neige, bloque la visibilité et fait glisser mes pneus. Le GPS commence l’exploration en me faisant passer par des rues que je ne connaissais pas, probablement pour éviter la 40 à l’arrêt. Le monde est beau, mais au ralenti. Ça me prend deux heures pour quitter l’île, avant d'être bloquée derrière un chasse-neige sur l’autoroute. Je fais 100 km en trois heures… Je me rattache à l’idée que je vais forcément quitter ce monde blanc en chemin. À moins qu’il aille jusqu’en Ohio? Un nuage peut-il être si grand?

    Dans mes idées de grandeur, je pensais passer par les chutes du Niagara, y passer la frontière dans un nuage de gouttelettes qui capteraient le prisme des couleurs du soleil, mais le retard dû à la neige me fait peur. Alors c’est dans une ligne droite que je change de pays. La traversée de frontière se fait sur une presqu’île. Deux voitures devant moi, une minute d’attente, et c’est à moi (est-ce un vrai poste frontière?).

  • Where are you going?

  • New Orleans.

  • Where?

  • New Orleans.

  • Ok, drive safe.

    Pour vrai? J’avais toute une argumentation, noms et adresses à donner pour légitimer mon voyage. D’habitude je dois répondre à tout un questionnaire pour passer une journée dans les Adirondacks. Je démarre sans traîner, au cas où le monsieur changerait d’avis.

    Ça roule bien maintenant, et je suis sur une lancée, alors let’s go pour les chutes, qu’est qu’une heure de détour rendu là. Et ça fera une vraie pause.

    En arrivant à Niagara, il y a comme de la brume qui survole un point de la ville. Je suis venue ici il y a plus de vingt ans avec ma mère, et je ne me rappelais pas que ça se passait en plein centre ville. En me garant, je me rappelle que la vue est plus spectaculaire côté canadien, mais la puissance des chutes est ici, côté américain. Je longe le haut des chutes, dans ce vacarme qui me rappelle la croisière que j’avais faite à l’époque, qui nous avait rapprochées des retombées aquatiques. C’était comme de se retrouver devant l’élément Eau, le roi des rois, dans toute sa force. Côté américain, tout est fermé, restaurants, magasins… Ça a l’air plus vivant de l’autre côté. Les uns ne s’arrêtent pas à l'hiver, les autres savent se retirer.

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    Je quitte New York “the empire state”, traverse la Pennsylvanie et sa “pursue your happiness”, pour arriver en Ohio “the heart of it all”. J’ai une nouvelle passion pour les slogans étatiques.

CLEVELAND, OHIO

Cleveland

    Pour commencer le voyage, j’ai longtemps hésité entre Détroit et la visite des studios de Third Man Records, et Cleveland et son Rock and Roll Hall of Fame. Mais je sens que Detroit a trop à offrir pour juste une journée de visite, alors c’est à l’apologie du Rock que je vais faire un tour cette fois-ci. À l’extérieur de l’entrée, les Who dans le tapis accueillent les visiteurs. Ça part bien. Les mots “Long live Rock and Roll” en lettres géantes me conquièrent.

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    Des guitares, des costumes, des partitions. Les deux heures de visite attendues s’étendent facilement à cinq.  À chaque texte et vidéo je pense être au bout de mes forces, mais l’esprit du rock m’habite. Explication de l’histoire de la soul, du rockabilly, du punk, du grunge, tout s’explique et tout s’emboîte. Des affiches de spectacles qui rendent chaque concert unique par un design artistique. Des billets d’entrés pour Woodstock (8$!!!), la veste d’Alex Turner de la tournée AM (fantasme personnel), la guitare de Keith Richards qu’il a dessinée sous acide, une moto d’Elvis, une robe d’Aretha Franklin, des extraits de concerts, des pochettes d’album, tellement d’informations mais j’en veux plus. Les costumes donnent une carrure aux artistes. La moyenne d’âge des visiteurs doit dépasser les quarante ans. Je vois des hommes frémir devant un artefact des Grateful Dead ou des Guns and Roses, des femmes envier la veste à paillettes de Jimi Hendrix. Une salle/studio prête des instruments et permet aux visiteurs de former un groupe éphémère avec des inconnus. Pure Rock and Roll baby.

   En sortant, il me faut encore plus de musique. Je sors mon ipod réglé sur lecture aléatoire, et le plaisantin me sort un plaisir coupable, les Backstreet Boys. Misère, j’appuie sur suivant le plus vite possible, au cas où quelqu’un entendrait. Chanson suivante, The Mamas and the Papas. Là on jase.

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    À mon auberge au matin, des clevelandais veulent vraiment me donner des conseils de choses à voir. Il y a plein de choses à faire ici! Il y a… euh, oui, plein de choses. Comme… Ils savent que leur ville n’est pas parfaite, elle a même été dans le fond du panier. Mais elle remonte, ils n’en ont aucun doute, et attends voir, elle va être grandiose.

CLEVELAND - SAINT LOUIS - 900 Km

St Louis

    Sur le chemin, de gros panneaux accusant l’avortement et le mariage unisexe essaient de gâcher le paysage, mais je sais que tu es plus que ça USA. Plus le monde a peur, plus il a besoin de se cacher derrière de gros panneaux de métal froid.

 

    L’indiana, “the crossroad of America”, fait face à l’Illinois, “Land of Lincoln”. Ok, il y a de quoi être fier. Je fais une pause à Casey, pour y voir une panoplie de plus gros objets du monde: la plus grande boîte aux lettres du monde, la plus grande chaise berçante du monde, le plus gros carillon du monde, le plus gros sabot du monde, la plus grosse fourche du monde… à se demander s’ils ont de quoi à compenser. Pourquoi je fais une pause ici? Ça me donne l’occasion de me dégourdir les jambes et de manger, tout en me divertissant sur cette route longue et pluvieuse. Un peu avant le coucher du soleil, des formations d’oiseaux dessinent des formes sophistiquées dans le ciel, à croire qu’ils jouent au pictionnary entre eux.

 

    Laura, une amie d’Annie (qui m’invite à la Nouvelle Orléans), m’héberge pour les deux prochaines nuits. Infirmière, elle porte des scrubs en toute circonstance. Apparemment, quand tu as goûté à ce confort, il n’y a pas de marche arrière. Elle n’arrête pas de s’excuser du désordre (inexistant) et du frigo vide. Elle m’offre de son mac & cheese en s'excusant, évidemment, du manque de gastronomie. Puis elle sort en me laissant les clés. Elle doit s’occuper pour ne pas sortir de son rythme de travail de nuit.


 

SAINT-LOUIS - MISSOURI

 

    Annie m’a fait tout un programme. Elle a vécu deux ans ici, et m’a fait plein de recommandations, des restaurants surtout. Ça pique dehors, il fait -20℃. Un mélange entre le froid sec canadien qui tire la peau, et le froid humide français qui s’empare de tes os. Tiger n’aime pas beaucoup ça non plus et refuse d’avancer. Elle démarre, mais les roues semblent bloquées. J’appelle CAA, qui me redirige vers AAA, qui m’envoie une dépanneuse dans 1h30. Tant pis pour Saint-Louis, j’espère que mon auto sera prête demain et que ça ne me coûtera pas trop cher. Je me sens en confiance, les dieux de la mécanique qui s’occupent de tout.

    La dépanneuse arrive en avance. Le mécano allume le moteur, fait 2, 3 manœuvres, écoute ce que Tiger a à lui raconter, puis affirme avec confiance que c’est la roue arrière gauche le problème. Il se couche en dessous, donne un coup de marteau, se relève, “Ok, c’est réglé”. Vraiment? Oui, il y avait juste un morceau de glace sur la roue. Il fait froid aujourd'hui madame. J’ai vu, mais Tiger a grandi à Montréal, elle en a vu d’autres. En tout cas, pas besoin de l’amener au garage, et mes plans de visite reprennent. Merci dieux de la mécanique.

 

    Missouri, “show me state”. Allons voir.

    Le froid est vicieux, pique, engourdis, tétanise, ça va être une journée de visites d’intérieurs. Premier arrêt. obligatoire paraît-il, la Gateway arch. C’est un grandiose fil de fer qui s’élève à l’infini. On a l’impression qu’on va le faire tomber si on s’appuie dessus. Mais on peut se rendre en haut, alors évidemment j’y vais. Jeff, un vieux bonhomme abîmé, fait son travail de guide. Il est habité par l’engouement de montrer sa chère ville. Pour aller en haut, j’entre dans un petit cocon qui pourrait tout aussi bien m’amener sur Mars. La montée sonne comme si quelqu’un faisait rouler la machine à manivelle. Un hublot laisse voir le mécanisme et l’escalier de secours. Le niveau s’ajuste par accoups pour garder le cocon parallèle à la Terre, malgré l’angle de l’arche. En haut, de petites fenêtres font voir la ville, le terrain de baseball, le tribunal… On tangue dans le vent comme sur un bateau. La structure a été construite pour pouvoir dévier de 18 pouces de chaque côté en cas de tempête. Ça fait trois pieds de balancement ça!

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    Changement de quartier: Locust. Selon les instructions d’Annie, je commence par une bière et un repas à l’invitant Urban Chestnust Brewery, puis un icecream martini pour dessert au burlesque Fountain on Locust. Le décor en lui-même vaut le détour, et c’est effectivement très bon.

 

    Delmar Loop est un quartier très animé et aux néons colorés. Le froid m’oblige à magasiner des vinyles (c’est le sujet de ce road trip après tout). Il y a de nombreux bars à thèmes très invitants, mais je décide de m’arrêter au cinéma Trivoli Theater, qui joue le film Parasite. Aucun gros complexe ne peut égaler un cinéma de quartier, surtout un comme celui-là, à l’architecture art déco. Il a une histoire, une chaleur, une aura qui personnalise l’expérience du spectateur.

    Pour finir la soirée, je mange, encore, les chaudement recommandés tacos aux portobellos du Mission Taco Joint; un vrai bonheur gustatif. Et dire que j’ai failli rater tout ça à cause d’un morceau de glace. T’en fait pas Tiger, je m’occupe de toi.

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    Avant de repartir, j’ai le temps de passer la matinée dans le quartier The Hill. En plus il fait juste -5℃ sans vent aujourd’hui, de vraies vacances balnéaires. Ce quartier italien est étonnant. Avec ses effluves de café et de sauce tomate, c’est comme une mama italienne qui lave ton linge pendant que le repas cuit, et que tu étends tes jambes sur le canapé. Les quelques magasins ne paient pas de mine à l’extérieur, mais regorgent de couleurs et de saveurs à l’intérieur.

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SAINT-LOUIS - MAMMOTH CAVE NATIONAL PARK - 496 Km

 

    Je retraverse l’Indiana, “the crossroad of America”. Il fait beau cette fois, et je peux profiter du paysage plat, mais pas ennuyeux. Il regorge de fermes, où j’imagine des hommes fumer leur pipe sur leur porche, en regardant leur champ avec plénitude (un peu cliché?). Les volumes des maisons sont mis en valeur par des jeux de couleurs et de matériaux. Les enseignes de drive-in ou de stations services, ou encore de ventes de feux d’artifices sont invitantes.

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Mammoth cave

    Arrivée au Kentucky, “Bluegrass State”. Au souper, j’assiste à un concours de rots entre deux frères, encouragés par leur mère qui les trouve bien drôles. On a chacun notre barême de convenances.

 

MAMMOTH CAVE NATIONAL PARK - KENTUCKY

 

    Annie m’a fait promettre de passer par le parc national Mammoth cave. Du grandiose à ce qu’elle dit. Et le grandiose, j’aime bien ça. 

    En matinée, je pars explorer l’une des plus longues grottes du monde. C’est ce qui est dit dans l’annonce. Peut-être que c’est vrai, peut-être pas, mais en tout cas elle donne pas sa place. Des bus scolaires amènent mon groupe à l’entrée de ce monde souterrain. La pente est abrupte et étroite; des gouttes caverneuses nous tombent dessus, jusqu’à ce qu'on arrive au royaume des stalactites et des stalagmites. De grandes pièces aux murs ondulés s'offrent à nous. Des passerelles empêchent de tomber dans les bas-fond du Kentucky. La découverte de l’intestin de la Terre achemine à une salle de classe humide aux bancs de bois, où notre guide nous fait un discours sur la formation des cavités, il y a des milliers d’années. On ne verra pas toute l’ampleur de ce réseau, qui s'étend sur des kilomètres et abrite plusieurs rivières. Le guide nous plonge dans le noir une minute, pour nous rendre compte de l’épaisseur de l’obscurité et du silence, pour enfin allumer une petite flamme et nous montrer comment les premiers explorateurs ont arpenté ces grottes. Un enfant demande s'il y a parfois des accidents. Une fois, un visiteur est entré en état de transe. Ça a pris sept heures pour le faire remonter. Sinon, rien de particulier. 

    En bouquet final, on longe le frozen Niagara, une voluptueuse et massive chute de stalactites, dont le nom n’est pas exagéré.

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Nashville

    L’air frais fait beaucoup de bien en sortant; même si je n'avais pas remarqué qu’il me manquait. Après avoir essayé de convaincre une garde forestière de m’indiquer une randonnée de plus d'un kilomètre, un vieux sage prend sa place. Il connaît bien son parc. Si je veux de la beauté, je dois me diriger vers le sud du parc. Malheureusement, le ferry qui traverse la rivière qui sépare le parc en deux ne fonctionne pas en cette saison, il faut en faire le tour par la route. Si c’est pour voir de la beauté, d’accord. Il me conseille la Big Hollow Trail, le nom m'inspire. Malheureusement c’est tout ce qu’elle m’inspire. Le trajet est un méli mélo de boucles dans une forêt ni hivernale ni estivale. Je me perds, je tourne en rond. Le soleil décline, j’ai oublié ma frontale, et ma fidèle couverture de survie. Heureusement j’ai marqué  l’endroit où je me suis garée sur une carte, qui ne montre pas les chemins ni les ravins… Je cours par intermittence, marche vitre entre-temps. J’entends un cri qui pourrait être celui d’un loup. Y-a-t-il des ours? Les idées se bousculent dans ma tête, et des pas drôles. Je garde mon téléphone au fond de ma poche pour garder la batterie au chaud. Quand je retrouve enfin Tiger aux dernières lueurs du jour, je ressens un grand soulagement. C’est que je n'ai croisé personne d’autre qui avait envie de contourner tout le parc en voiture. J’essaie de retrouver mon chemin dans l’obscurité, en contredisant mon GPS qui veut absolument m’orienter vers la route abandonnée et jonchée de branches mortes qui mène au ferry endormi. Mes jambes me font mal comme à un maximum de courbatures et je suis bien contente quand j’arrive enfin en zone civilisée. J’ai plus vingt ans.


 

MAMMOTH CAVE NATIONAL PARK - MEMPHIS - 140 Km

 

    Sud, j’arrive. Je ne suis pas toute seule sur la route. Il a beaucoup d’animaux qui n’ont pas appris à regarder des deux côtés avant de traverser… Parmi les roadkills, il y a ce qui ressemble à un loup. C’est toi que j’ai entendu hier ? Je ne te souhaitais pas ça.

    Ça devait être une minuscule étape dans ce grand voyage, tellement que j’en ai été insouciante. Le plein d’essence ? Ça peut attendre. Puis boum, gros embouteillage. L’autoroute se bloque, avance à 4 km/h. Du monde s’arrête sur la voie d’urgence pour patienter, d’autres traversent le terre-plein pour faire demi-tour. Certains s’embourbent. Je dépasse des collisions, des effets dominos d’accidents. J’écoute un podcast animé par Karen O pour me distraire de l’aiguille du réservoir qui frôle le rouge. La pression se relâche après une heure, quand je suis un flot de voitures vers la première station service en vue. Je ne suis pas la seule à vivre dangereusement.

    Entrée dans le “Tennessee volunteer”. J’ouvre la fenêtre, il fait bon, un ado joue de la guitare au carrefour, bienvenue à Nashville, the Music City.


 

NASHVILLE - TENNESSEE

 

    Sur le chemin vers mon hébergement, je suis attirée par le Richland Creek Greenway, un magnifique parc qui va rattraper ma marche désastreuse d’hier. En plus c’est dimanche! Les enfants testent leurs nouveaux vélos, ou jouent au baseball avec leurs parents, en évitant les coureurs qui longent le terrain de golf, ancien aéroport municipal. Les odeurs de printemps embaument l’air doux. J’ai l’impression d’avoir chaud pour la première fois depuis longtemps. L’ambiance est à la détente, à la délectation d’un dimanche après-midi ensoleillé.

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    Le centre-ville n’a pas la même ambiance. C’est soir de match de hockey, et les Predators sont clairement les favoris à en voir la foule de jerseys jaunes et blancs. Je passe par Broadway, la rue prinsipale de bars et restaurants, une effervescence de musiques. Des scènes occupées débordent de chaque entrée. Les batteurs frappent leurs percussions, les guitaristes chatouillent leurs guitares et les vocalistes se font concurrence. Cette joyeuse cacophonie est éclairée aux néons colorés à mesure que le soleil décline.

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    Au matin, je suis impatiente d’aller visiter Music Row, le quartier des compagnies de disques. Je m’attendais à un endroit branché, où les labels s’alterneraient avec des restaurants où les artistes prendraient des pauses. À la place, je découvre des rues calmes, aux grandes et belles maisons, ponctuées de squares où l’on trouve l’inspiration. Le quartier a une aura de soundcheck, mené par quelques grandes bâtisses aux lettres légendaires comme RCA et BMI. De l’histoire a été écrite ici, et ça inspire à s’asseoir sur un banc et écouter sa muse.

    De l’autre côté de la ville, il y a le studio Third Man Record fondé par Jack White. Le principal est à Détroit, mais on ne peut pas bouder celui de Nashville. Malheureusement, il n’y a pas de visite aujourd’hui, mais le magasin est ouvert. Oh malheur! Des vinyles à profusion, dont beaucoup de 45 tours qui donnent l’impression d’avoir été pressés dans l’arrière-boutique. Des tee-shirts, des macarons, des pics et straps de guitare… Une cabine permet d’écouter des disques, comme à l’ancienne. C’est le paradis.

    Pour me remettre de mes émotions, je vais manger dans une superbe brasserie, la Tennessee brew works. Sa terrasse à l’étage baigne dans le soleil, la clientèle est joyeuse, la nourriture excellente me fait oublier un peu les trop nombreux grilled cheese de la dernière semaine (les mets végétariens étaient rares et peu variés…).

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    Un autre trésor de Nashville est le Hatch show print. Cette imprimerie fondée en 1879 par les frères Hatch est spécialisée dans les affiches publicitaires pour des spectacles. Une visite explique les machines de presse, dont la technique est la même depuis l'ouverture. Les murs sont entièrement cachés par des étagères remplies de plaques de bois gravées de lettres de toutes tailles et polices, ainsi que de dessins. Des templates sont assemblés, puis pressés sous de gros rouleaux pour colorer le papier, une couleur à la fois. Chaque couleur met 24 heures à sécher. Un travail de patience et de minutie. On nous raconte l’histoire de certaines affiches, une d’Elvis, une autre d’une compagnie de cirque. Si un artiste se produit deux soirs de suite, chaque représentation a droit à son affiche qui, mises côte à côte, forment un tout.

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Memphis

MEMPHIS - TENNESSEE - 340 KM

 

    On ne m’a pas dépeint une très belle image de Memphis. Certains ont même essayé de me dissuader de m’y rendre; mais comment éviter la ville du King quand c’est sur le chemin? La pluie essaie de donner raison aux détracteurs, ainsi que le restaurant où je m’arrête manger. Comme beaucoup, il ne connaît pas d’autres légumes que la pomme de terre. Mais tous mes doutes s’évaporent quand j’arrive devant le Sun Studio. Ils se font alors dégager avec force par un enthousiasme qui déborde de partout. Ouvert en 1950 par Sam Philips et Marian Keister, ce studio encore actif a la vie d’un aventurier centenaire. Un premier orteil sur le sol et l’ambiance est installée. Voici la maison mère du rock, montré sans détour, sans peur, à l’état brut. Une guide nous retrace la vie de l’entreprise, les radios des années 50s, leurs DJ, leur équipement… des photos des sessions d’enregistrement donnent vie à l’espace, des extraits font vibrer les murs. Les commentaires des musiciens entre les chansons donnent des frissons. BB King et son coq de compagnie, le jeune Elvis pas sûr de ses 18 ans, Jerry Lee Lewis en pleine expérience capilaire et Johnny Cash, en noir déjà, ont tous été immortalisé en grains d’argents et en microsillons. Puis la visite nous emmène au studio. Là-même où Elvis est venu profiter du service d'enregistrement de deux dansons pour trois dollars, là où les plus grands, aujourd’hui encore, viennent jammer, pour ajouter quelques notes sur ces murs déjà bien tapissés.

    Sun Studio est dans un ancien quartier manufacturier, spécialisé dans la vente d’autos. Beale Street semble vivre sur la mémoire ce que la ville a été, quand d’illustres entreprises fleurissaient à l’image des grands noms du rock. Mais c’est peut-être juste la pluie qui donne une mélancolie aux lieux, qui sait. 

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    Autre passage obligé: Graceland. Même si son prix d’entrée est agressif, ça vaut le coup. Elvis était un homme qui n’avait aucune limite, autre que celle de ne pas pouvoir faire son épicerie en paix. Et comme il aimait travailler sa déco, ça donne des pièces d’une extravagance qui dépasse tout ce que à quoi j’aurais pu m’attendre. Autant les couleurs, que les motifs et les textures dépassent l’entendement. De la tapisserie, de la moquette, des meubles en bois gravé, des lampes Tiffany, de la fourrure. Je me demande à quel point le personnel de ménage est stressé de faire la poussière sur tous les bibelots précieux qui ornent chaque bout de surface plate. Chaque pièce donne envie de se rouler par terre et de se frotter aux rideaux. Et il n’était pas le seul à en profiter. Ses parents et grands-parents vivaient là, et probablement un entourage venu profiter de la piscine, du billard, faire des promenades à cheval, des courses de caddie de golf, ou aider à faire briller une des voitures de luxe. Parce qu’il y a de quoi faire à ce niveau-là; de la grosse Cadillac impossible à garer à la Ferrari de sport, de la Porsche décapotable à la limousine, de la Harley au tracteur John Deer. Il fallait payer un surplus pour visiter ses deux jets privés, mais je devais me tracer une limite quelque part et ce fût là. Le soleil rend compte du paradis à l’écart des fans qu’a pu être cet endroit. 

    Les costumes! Il aimait les paillettes le monsieur, ainsi que les jumpsuits et le karaté, et tout ce qui pouvait allier ces trois passions. Bizarrement, son styliste n’est pas très connu, probablement parce que personne d’autre qu’Elvis ne pouvait porter avec tant de stature un one piece avec une cape, un tigre brodé dans le dos, des pattes d’ef et une ceinture de karaté en or. Personne. Son mètre quatre-vingt-dix rend les vêtements encore plus impressionnants.

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    Changement radical de décor: le Civil Rights Museum dans l’ancien hôtel Lorraine, où Martin Luther King s’est fait assassiné. Ça paraît étrange comme lien, mais pas tant que ça, puisque Martin et Elvis prodiguaient chacun un message d’amour et de paix, même si le premier prônait la non violence, et le deuxième collectionnait les armes. Une première partie du musée décrit l’évolution de la condition des Noirs aux États-Unis, de l’esclavage à aujourd’hui. Une des choses qui m’ont le plus frappées, est le fait qu’ils ont un très bref espoir d’équité après l’abolition de l’esclavage en 1865, jusqu’à ce que les lois Jim Crow installent la ségrégation, faisant faire au peuple un énorme pas en arrière sur la ligne de l’évolution humaine. Heureusement, l’Histoire a vu des personnes déterminées à renverser des idées reçues, à se battre contre un système malade, dont ce bienveillant Martin Luther King Jr, venu soutenir des grévistes dans leurs droits à des salaires égaux entre teintes de peaux. La visite du musée nous fait passer devant sa chambre, qu’une vitre sépare des touristes. Il n’y a pas grand chose à y voir, si ce n’est l’endroit où Martin et ses amis ont parlé du monde meilleur qu’ils aspiraient à connaître, avant que quelqu’un en décide autrement. 

    Une partie du bâtiment relate de l’enquête qui a amené à arrêter l’assassin, dont le nom ne mérite pas d’être mentionné. À ce moment, on se retrouve à la fenêtre d’où le tir est parti. Je ne sais pas quoi ressentir. J’embarque en mode scientifique, estimant la distance et l’angle de tir, car je ne veux pas imaginer le bon à rien assemblant son arme et attendant, attendant que cet autre homme à l’âme pleine d’espoir vienne saluer son ami du balcon.

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Nouvelle Orléans

NOUVELLE-ORLÉANS - LOUISIANNE - 624 KM


 

    Je traverse l’Alabama, “the coton state”, puis arrive, enfin, à la “keep Louisiana beautiful”.


 

JEUDI

 

    Les parents d’Annie, qui vont m’héberger pour la prochaine semaine, habitent une rue qui rassemble de grandes maisons, avec de grandes entrées, dans laquelle ma fidèle Tiger (toyota echo hatchback) se sent toute petite. La mère me fait le grand tour des à peu près 23 pièces de la maison (grand salon, petit salon, salle de billard, bar, salle de réception avec table pour douze convives, jardin avec fontaine…). En face, il y la digue construite après Katrina pour protéger la ville des débordements aquatiques. En plus de cacher la vue sur le lac Pontchartrain, la terre utilisée pour réaliser cette défense a été prélevée dans le bayou, avec les serpents et autres reptiles pris dans les marais. Un muret a dû être érigé autour du jardin et on se doit d’être préparé à tuer les serpents persévérants. C’est facile, il suffit de leur couper la tête avec une pelle. Où est la pelle?

    Elle me dit de ne pas hésiter à me servir dans les placards et le frigidaire, parce que personne n’est là pour me servir de toute façon. Un père italien et une mère costaricienne, ça donne un niveau sonore et une cadence de conversation assez élevés. Les deux sœurs d’Annie se mêlent au chaos auditif. Tout le monde parle en même temps dans cette unique conversation aux nombreuses branches.

    La parade de ce soir est reportée à demain, à cause d’une belle tempête tropicale aux températures hivernales qui se lève. Alors on commence l’atelier peinture. Il nous faut apparemment des pancartes pour attirer l’attention des chars. Et la famille mise beaucoup sur mon dépucelage de carnaval pour attirer la sympathie des lanceurs de perles. Je fais de mon mieux pour dessiner mon voyage et mon arrivée dans ce nouveau monde. Un peu comme écrire une lettre au père Noël pour avoir un maximum de cadeaux sous le sapin, mais ici jeté à la face. Christine, une des sœurs d’Annie, m’explique l’histoire du carnaval, pendant qu’Annie organise très sérieusement le programme de la semaine. Leur mère, évidemment, a son mot à dire dans chaque étape.

       Mardi Gras est le nom donné au jour précédent le mercredi des cendres, premier de Carême. C’est le dernier jour pendant lequel on peut bien se remplir la panse de graisse avant de se mettre au régime strict. Le premier mardi gras américain a eu lieu le 3 mars 1699, au débarquement des explorateurs Pierre Le Moyne d’Iberville et Sieur de Bienville près de l’actuelle Nouvelle-Orléans. Cette fête est devenue coutume dans les années suivantes, jusqu’à ce qu’elles soient interdites pour cause de débordements alcoolisés. Qui dit interdiction, dit confrérie secrète qui y voit une opportunité de montrer sa capacité à se dresser au-dessus du lot. L’organisation Mystyck Krewe of Comus naît, et met en place des parades organisées et réglementées. Aujourd’hui, plus de soixante Krewes font défiler leurs chars décorés.

La plus célèbre Krewe est celle de Rex. Fondée en 1872, des hommes d’affaires invitent des personnalités à se joindre à leur club de gentlemen privilégiés, afin de relancer le tourisme dans une ville marquée par la guerre civile. L’invité d’honneur est désigné comme Rex, le roi du carnaval, et se fait remettre la clé de la ville par le maire. De nos jours, elle invite une célébrité pour représenter ce roi suprême et le faire parcourir le quartier français sur son bateau roulant, applaudi et acclamé par la foule venue de loin pour l’apercevoir.

    La coutume veut que les participants lancent des perles au public. C’est le premier Rex, le grand duc Alexis Romanov Alexandrovitch qui est responsable des couleurs emblématiques de la fête: le violet, le vert et l’or, couleurs de son palais royal. Le violet est pour la justice, le vert pour la foi, et l’or pour le pouvoir. Les perles étaient jetées aux personnes représentant ces valeurs, et celles qui arrivaient à en attraper se voyaient octroyer bonne fortune pour la prochaine année. Originellement en verre, ces perles sont maintenant sous forme de colliers en plastique.

Au dix-neuvième siècle, les rues étaient sombres la nuit. On faisait appel à des porteurs de flambeaux (des esclaves dans les premières éditions) qui apportaient de la lumière aux festivités, et le public leur lançait des pièces. Aujourd’hui, ce sont des artistes qui font danser les flammes comme une performance, et non plus comme une nécessité.

    Côté nourriture, l’attrait va vers le King cake. Il a la même origine que la galette des rois, cette pâtisserie de frangipane consommée le 6 janvier pour célébrer l’arrivée des rois mages au chevet de bébé Jésus. Le King cake est consommé de cette date jusqu’au mardi gras. Sa constitution a évolué depuis le début pour devenir une pâtisserie danoise tressée à la cannelle et glacée dans les couleurs violet, vert et or. Dans les années 40, on a commencé à y insérer une figurine de bébé Jésus. Celui qui tombait dessus devait acheter le prochain gâteau ou organiser la prochaine fête.

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VENDREDI

 

      Annie aime profondément sa ville. Être de la Nouvelle-Orléans, c’est pas juste une adresse sur un permis de conduire, c’est une identité, une appartenance, une fierté. Elle me montre les hauts, mais n’a pas peur de montrer aussi ses irritants, comme les ATM/service à l’auto, qu’elle qualifie d’un “whole new level of laziness”. On longe un cimetière, comme il y en a tant dans le coin. La mort, ici, n’est pas cachée, elle fait partie du processus. Mais ce n’est pas juste pour ça que les tombeaux sont si exposés. Une bonne partie de la ville est au-dessous du niveau de la mer. À chaque grosse pluie, tout ce qui est enterré remonte à la surface, alors à quoi bon. Surtout quand on se trouve sur la trajectoire des ouragans tropicaux.

      À 14h, on arrive au restaurant Superior Seafood and Oyster bar. Parle-moi d’un beau décor art déco aux odeurs de cajuns. Annie connaît le propriétaire, d’un lien qui implique des ex conjoints d’amis, des disputes et des histoires tarabiscotés, mais qui nous donne un service extra souriant, un carré sur le trottoir apparemment très convoité entre le le restaurant et la parade, et un bracelet donnant un accès VIP aux toilettes en cuisine. On déguste des beignets de tomate verte pendant que le père installe les chaises pliantes sur ledit carré de trottoir.

      17h, la parade Hermès ouvre le bal, suivie par Krewe d’État, Muse, et une dernière dont j’oublie le nom. Les chars sont décorés, ornés de couleurs et figurines, montés d’hommes et de femmes masquées qui jettent avec enthousiasme colliers, jouets, gobelets, peluches, pièces… J’ai eu la recommandation de ne jamais baisser la tête. Quel bon conseil! Ça fuse de partout. Tu attrappes tout ce que tu peux, tu te remplis les bras, et quand ça se calme une seconde tu en profites pour tout mettre dans un sac. Je comprends maintenant pourquoi la famille en a apporté une bonne quantité. Ça se remplit vite! J’ai vite mal aux mains à force d'attraper des projectiles, et à la tête pour ceux que je n’ai pas esquivés à temps. Annie tient la belle pancarte annonçant ma novicité festivalière au-dessus de ma tête, comme le centre d’une cible devant des experts de tir à l’arc. La spécialité de la krewe Muse, est de couvrir des souliers de paillettes, plumes et autres fioritures, en nombre limité, et de les offrir aux personnes de choix. Annie est sur le bord de faire exploser ses poumons pour attirer l'attention des déesses quand un talon aiguille doré brillant agrémenté de plumes violettes se plante dans mon épaule. Elle me l’a eu mon soulier. Et à voir les yeux écarquillés de nos voisins, dans lesquels j’observe un mélange de jalousie et de félicité d’avoir été témoin du passage d’une comète rare, je ne peux qu’y voir un présage de bonne fortune et remercier Annie.

      À 21h, ce n’est pas encore tout à fait fini, mais on déclare forfait. On va passer la soirée chez Nick, qui vit dans une maison sur la route de la parade de demain, Endymion, qu’on me dit être la plus prisée de la semaine. Tellement, que du monde campe sur les terre-pleins au milieu de la rue. La tradition de Nick est de préparer des jello shot pour les campeurs (il s’en garde aussi pour lui et les cuisiniers aidants). Tout le monde est déjà électrisé à l’idée de demain, et les shots réchauffent les cœurs de ceux qui vont dormir dehors par 5 degrés. Annie met vite fin à la soirée. On doit se reposer qu’elle me dit, demain va être une grosse journée.


SAMEDI

 

      Je ne comprends rien. Tout le monde s'agite dans la maison. On va là, non on va là. Fais ça, non fais ça plutôt. Les plans changent, chaque discussion demande un consensus, tout ça dans un accent du sud auquel je m’habitue petit à petit. Je décide assez vite d’arrêter d’essayer de comprendre, ça m’épuise. À la place, suivre le flot, me laisser bercer comme un poisson rouge dans la marée montante. Ok, là ils se dirigent vers la voiture, j’y vais. Il est 9h30, la parade commence à 17h, mais il vaut déjà mieux se garer dans une des cours d’écoles/parking de fortune qui en coûte une plutôt que d’essayer de trouver une place dans la rue. Des heures de discussion ont mené à ramasser une grosse glaciaire avec sandwiches, chips, cookies, bière et ben des bouteilles en plastiques (depuis que je suis dans cette ville, mes valeurs écologiques en prennent un gros coup; je travaille mon acceptation de la différence). On a aussi des chaises et des bancs, bien entendu. Nick nous a réservé une place de choix avec son auto. Il a besoin d’une petite secousse pour se réveiller et la retirer avant le passage de la remorqueuse. Il y a eu une légère surconsommation de gélatine colorée hier soir. Il a installé des échafaudages dans son jardin, pour que tous ses amis puissent profiter de la parade. La plupart se manifestent une fois par an, mais c’est pas grave, Nick aime fêter. Son frigo est rempli, la sono installée, dont un DJ va faire sortir un excellent son jazz funky. 

      Reste plus qu’à attendre. Pour Annie, c’est ça le vrai Mardi Gras. La rue se remplit assez vite de monde enjoué, déguisé et heureux. Le soleil chauffe enfin la Terre. Les enfants jouent au football au milieu de la rue. Annie nous paie un maquillage de visage, qui me laissera un coup de soleil original. Un policier en patrouille me gratifie d’un "it's beautiful darling". Des cousins et amis remplissent notre carré privilégié. Tour à tour on va se promener. D’un côté, il y a les maisons et leurs convives avec le confort des jardins avec barbecues et toilettes; de l’autre, les campeurs chevronnés, prêts pour l’apothéose. Plus loin, il y a les plus gros RV que j’ai jamais vus, installés pour passer l’été. De gros wok de gambas et côtelettes, des glaciaires débordantes, de la musique à profusion. Le jardin de Nick vit aussi des moments d’apothéose. Son père est tout un personnage, avec sa veste dorée et son drapeau du carnaval en guise de cape. 

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      Endymion se lève, et le flot de projectiles reprend de plus belle. Les riders (les personnes sur les chars) sont en feu. Ça coûte entre 500$ et 1000$ d’avoir une place sur un de ces chars, plus un autre 1000$ par personne de “throughs”, c’est-à-dire les objets lancés au public. Alors chacun veut passer un bon moment. Le monde crie, lève les bras, loue les chars et encourage les marching bands qui les entrecoupent. Des vrais de vrais, en costume, qui donnent tout ce qu’ils peuvent dans leurs instruments de cuivre et leurs grosses caisses. Parfois, des porteurs de flammes passent, en souvenir de ceux qui éclairaient les chars qui n’avaient pas de lumière. Mais libres cette fois. Et vraiment juste pour le souvenir, parce que quand la nuit tombe, les embarcations ne manquent pas de visibilité. Elles s’allument de couleurs fluorescentes et de jeux de lumières impressionnants.

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      Il y a autant de sacs de plastiques jetés que d’objets lancés. La rue est un vrai dépotoire; mais c’est pas grave, parce que tout de suite après la fin de la parade, des camions viennent tout ramasser pour les emmener loin, très loin. Assez vite, c’est comme si rien ne s’était passé. Du beau travail, ni vu ni connu, loin des yeux, loin du coeur… 

      On traîne un peu avant de rentrer. Les rues vont être bloquées pour un moment par le monde qui va vite se reposer avant de recommencer demain. Annie me présente son fiancé et me fait connaître des coins qu’elle fréquentait quand elle était étudiante, jusqu’à ce qu’on arrive devant un stand d’écrevisses. Leurs quatres yeux s’ouvrent aussi grand qu’ils peuvent. Ce sont les premières de la saison. Ils me demandent si ça ne me dérange pas si on s’arrête en manger, enfin si ça ne me dérange pas de les regarder, puisque je ne mange pas de fruit de mer. Pas du tout, surtout quand c'est si divertissant de les regarder dévorer leur livre de carcasses rosées comme si c’était noël en avance.


 

DIMANCHE

 

      Matthew, le fiancé d’Annie, est rider sur le Krewe of Thoth, alors on retrouve toute sa famille qui s’est trouvée un beau coin avec chaises, table, nourriture, et des escabeaux pour les enfants. Il y a en de partout le long des parades. Les jeunes et les moins jeunes utilisent ces promontoires maquillés aux couleurs du carnaval, pour pouvoir s’élever au-dessus de la foule, et être en même temps plus proches des offrandes.

      Entre la famille d’Annie et celle de Matthew, il y a une affaire de famille aisée, celle d’Annie, et de famille plus qu’aisée, celle de Matthew, qui est à la tête de la plus grosse usine de papier de la région. Mettons que la majorité des assiettes et serviettes en papier utilisées pour supporter et essuyer la moutarde baseball du carnaval viennent de chez eux. Pis Matthew, c’est l’aîné et successeur désigné de tout ça, c’est pour donner une idée des préparatifs du mariage. Dans la liste de mariage, il est obligatoire d’avoir des verres en cristal pour les repas d’affaires, qui doivent être une continuité des cristaux des mères des mariés pour ne pas dépareiller au moment de la succession. Tout ça pour dire qu’Annie est un peu tendue en arrivant, et se doit de bien se tenir. Bien qu’elle ne me mette aucune pression, je la laisse un peu travailler à ses relations belle-familiales et vais me promener dans les environs. J’avais oublié à quel point la végétation prend le dessus à certains endroits de la ville. Les grands chênes et leurs magnifiquement monstrueuses racines soulèvent l’asphalte par endroits, et les fleurs flamboyantes embaument l’air d’un doux parfum.

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      Lors de la parade, l’ambiance est plus calme qu’à Endymion, mais l'enthousiasme est bien présent. La spécialité de cette krewe est les colliers de perles, et les chanceux en attrapent en verre plutôt qu’en plastique. On n’a pas cette chance, mais Matthew, en bon gentleman, nous en a gardé.

    Après trois jours de parades, la fatigue commence à se montrer, et Annie nous récompense d’un bon dessert au Cafe du Monde. Des perles et des beignes, encore une belle journée bien remplie.

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LUNDI

 

      Journée de congés! Pause de parades pour aujourd’hui. Pas de rush dès le réveil, de préparatif, d'argumentation familiale, et ça fait du bien. On va plutôt magasiner sur Magazine Street. On passe devant les campements de la prochaine parade, mais ce n’est pas notre monde aujourd’hui. Ça fait quatre jours qu’Annie me fait écouter de la musique de carnaval louisianais, alors j’implore pour un passage dans un magasin de vinyles. Et c’est au fou Peaches Records qu’elle m’amène. C’est difficile de faire un choix parmi toutes ses recommandations. On continue notre flânage avec les échos des orchestres de la parade à quelques rues de là. Pizza, puis terrasse d’une belle maison reconvertie en bar, où un trio de jazz chillax joue dans un coin. C’est bien aussi, de prendre son temps.


 

MARDI

 

      Dernier jour du carnaval. Le plus gros de la ville est au quartier français à la parade Bacchus, présidée par le roi Rex. Mais pas nous. La famille est un peu fatiguée des grosses foules, et la tradition veut que le dimanche, ils aillent à la parade qui passe près du bureau du père. On rassemble de quoi préparer les hot dogs annuels avec les collègues, en faisant très attention à ne pas laisser de porte ouverte trop longtemps dans la maison. Ça à l’air que la température est celle des serpents flâneurs qui s’aventurent hors de la digue vers les maisons accueillantes.

      Les enfants jouent au football ou à se poursuivre dans la rue, ça sent le chien chaud, dernière ligne droite carnivalesque avant d’aller se reposer au travail lundi. Les krewes Argus, Orleans et Jefferson se succèdent. Le plus beau char se fera offrir une place gratuite dans la flotte de l’année prochaine, alors l’imagination s’est faite donner de la place. D’autres gros sacs se font remplir de colliers, bagues, refroidisseurs de canettes et autres délicatesses. Puis Annie doit partir. Elle travaille demain et doit repartir à Bâton Rouge. Comment lui exprimer toute ma gratitude pour cette magnifique semaine?

De retour à la maison, on regarde la parade Bacchus à la maison. C’est vrai que ça a l’air d’une débâcle sans fin, mais magnifique. Prochaine fois peut-être. 

      Toute l’attention oppressive des parents que j'observais se porter sur Annie et les préparatifs de son mariage avec amusement, est maintenant porter sur moi. Ils regardent la météo. 

Il neige au Québec! Reste ici jusqu’à ce que ça s’arrête. 

Jusqu’en avril?

Ta voiture peut pas rouler jusqu’au Québec, dans la neige en plus!

Tiger m’a amenée jusqu’ici, elle a ses sabots d’hiver, et en a vu d’autres. Ne vous fiez pas à sa taille et sa couleur chatoyante.

Ok, voilà ce que tu vas voir et faire sur ton trajet.

 J’ai déjà eu plein de conseils d’Annie, pis vous savez, j’avais un peu préparé mon voyage avant de venir, ne vous fiez pas à mon air perdu naturel (Tiger et moi nous faisons souvent sous estimer). Ne vous inquiétez pas, parents d’Annie, tout va bien aller.

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MERCREDI

 

      Je suis prête à partir. Je veux dire que non seulement mes sacs sont prêts, mais qu’aussi j’ai hâte de me retrouver sur la route, seule maître de mon voyage, et loin du brouhaha de la maison. Annie m’a fait réserver une nuit à Destin, en Floride, à 4h de route. Aller à Savannah d’un trait était trop long, et je me vois déjà passer l’après-midi sur la plage avec un bon livre, en écoutant les vagues jouer avec le sable. La mère m’accompagne à la porte, avec des derniers bons conseils, me regarde démarrer, puis rester bloquer, par la même roue qu’à Saint-Louis. Tabarnak! Ça peut pas être la glace cette fois. Rien à faire, Tiger ne bouge pas. J’appelle CAA, pendant que chacun des deux parents me parlent, sachant très bien quel est le problème. Ils savaient très bien que ça arriverait, ai-je bien regardé mon auto. OK, mettons les choses au clair, plus personne ne dit du mal de Tiger! Le père est sûr que ce sont les freins, ils veulent appeler le cousin du voisin du collègue, mais je tiens mon bout, et ce sera CAA, qui me transfère à AAA. J’espère qu’ils pourront vite régler le problème comme la dernière fois. Je suis prête à partir là maintenant.

      Je médite assise sur les marches de l’entrée pendant que la mère me dit “here’s what you gonna do”, son prélude à toute conversation. Elle me planifie un plan d’évacuation impliquant l’abandon de Tiger et de prendre l’avion dont je n’ai pas pu annuler le billet pour demain. Bien sûr que j’y ai pensé, mais en plus d’être trop triste, je me suis un peu emballée à l’idée de voyager en auto, et non pas en sac à dos pour une fois, et elle est remplie de vinyles, abat-jour et autres souvenirs. Ça rentre pas dans ma valise de soute. Le père google “roue bloquée” et devient expert en la matière en quelques minutes. Aidez-moi! Quand la dépanneuse arrive, j’essaie de ne pas suffoquer de mon désespoir le monsieur qui écarquille les yeux devant ma plaque d'immatriculation québecoise. Really? Qu’il me demande. Really, que je lui réponds. Mais malgré une bonne volonté, il ne peut pas régler le problème sur place et commence à attacher Tiger… La cacophonie parentale qui m’amène sur le bord de leur crier de fermer leur gu… a quand même raison sur un point. Ils appellent le garage auquel le dépanneur a prévu d’amener Tiger, et comme beaucoup de leurs employés sont en congé post-mardi gras, ils ne pourront pas s’en occuper avant au moins demain. Les parents veulent absolument m'emmener au cousin du voisin du collègue, mais à la place je rappelle CAA, qui me trouve un garagiste disponible aujourd’hui. Je monte dans la dépanneuse, et une discussion de tout et de rien avec le gentil chauffeur m’aide à relaxer. Le docteur va tout de suite regarder Tiger, alors j’attends. Le père me retrouve au garage, bien entendu, et va tout de suite parler au docteur, comme si je n’étais pas là. Annie, qui a été mise au courant de mes mésaventures par radio Louisiane, me dit de prendre mon mal en patience. Dans le sud, ce n’est pas le rôle de la femme de trouver des solutions. Ça, ajouté à un besoin d’aider son prochain, rien ne sert de lutter. Laisse les faire et fais ce que tu veux à la fin. Bref, le docteur me dit qu'il ne pourra rien nous dire avant trente minutes, alors je repars avec le père à la maison. En chemin, on parle d’un certain coronavirus qui se répand, et du message alarmant au journal télévisé hier: allez vite vous acheter des masques, il n’y en aura pas pour tout le monde. Et comme de fait, les magasins en sont déjà vides. J’espère que les frontières ne fermeront pas avant mon retour au Canada. En même temps, est-ce que ça peut vraiment se produire?

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      Coup de téléphone; la rouille ronge le dessous de Tiger, et s’attaque au mécanisme. Ils ont limé, mis un coup de WD40, laissent imprégner, et en remettront un couche après. Je peux la récupérer dans une heure et demie. Ouf! Pendant que la mère remet une couche de leçons de vie, je pense au fait que tout ceci, c’est un voyage d’adieu de Tiger, une dernière grande aventure entre elle, moi, et le Monde. Il va falloir bientôt investir dans sa succession. Comme si mon compte était d’accord…

      La mère est découragée de mon inaptitude à m’occuper de moi. Je n’ai même pas demandé combien ça allait coûter? Ahhh la nouvelle génération et son insouciance (dit celle qui m’a montré son étonnement de ladite nouvelle génération qui boude les maisons secondaires. C’est pourtant tellement plaisant d’avoir un chalet ou une maison au bord de l’eau pour les vacances). Je ne veux pas lui dire que, effectivement, j’aurais dû demander, mais que aussi, mes options étaient assez limitées. Au final, 90$ plus tard, je suis prête à reprendre la route.

DESTIN - FLORIDE - 427 Km

 

      Dans mes préparatifs à Montréal, j’avais téléchargé le livre audio Tom Sawyer pour l’écouter en traversant le Mississipi et la Géorgie, mais l’enregistrement est d’une telle mauvaise qualité qu’il me fait mal aux oreilles. Je l'interromps avec amertume en maudissant cette journée qui tourne mal. Problèmes d’auto, pas de lecture à la plage, Tiger souffrante. Puis je me ressaisis. Tiger roule encore, je me dirige vers Savannah, un grand rêve, il fait beau, reprends-toi fille (l’esprit du sud s’est emparé de moi). C’est dans un second souffle que j’entre dans le Mississippi, “The Magnolia State”. Je fais un rapide arrêt au Infinity Science fair, une exposition de bouts de fusées de la Nasa. Puis au Mississippi Sandhill Crane National Wildlife Refuge. Je n’y ai pas vu tous les oiseaux annoncés, mais la promenade est si agréable! Du calme, les herbes hautes qui semblent si douces, l’air qui enrobe la vie de sa chaleur. Tom Sawyer, c’est l’Amérique! me reste dans la tête.

      Le reste de la route longe parfois ce bon vieux Mississippi, des avions de chasse pourfendent le ciel. Puis c’est l’Alabama, “Sweet Home Alabama”, où Forest Gump court toujours. Et enfin, la Floride. “In God We Trust”, comme beaucoup de panneaux le rappellent. Quelques ponts me donnent un bel aperçu du golfe du Mexique, ce beau géant bleu clair. Un arc-en-ciel souligne mon arrivée, comme de par exprès. Je dépasse des maisons sur remorques qui me donnent des sueurs froides à chaque viaduc, des pins et des chênes donnent du mouvement au paysage.

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JEKYLL  ISLAND - GÉORGIE - 630 Km

 

      “Georgia on my mind”. Et elle l’est depuis longtemps (pour le paysage, pas pour l’histoire politique). C’est le début de ma remontée vers le nord, vers l’hiver. Mais c’est pas encore terminé. Une famille de cochons sauvages me barrent la route comme pour me rappeler que je suis encore loin de la maison. 

      En route vers Savannah, je fais un crochet par Jekyll Island. C’est le nom qui m’a attirée, qui fait penser aux recherches mystérieuses d’un génie tourmenté.Je pense que c’est ici qu’il est venu passer sa retraite, une fois sa carrière houleuse terminée son esprit apaisé. L’île a une âme rieuse, cachotière.

      Pour mettre un point sur mon GPS, j’ai entré les coordonnées du Georgia Sea Turtle Center, un hôpital pour tortues blessées ou malades. J’y découvre qu’il n’existe que six espèces de tortues de mer. Certaines ici ont été amenées de Cap Cod où elles ont souffert d'hypothermie. Certaines, nées dans le sud, se sont faites renversées par des voitures ou mordre par un prédateur. Certaines ont des becs, d’autres ont des dents pour mieux croquer leurs proies. Elles vivent en solitaire, et leur intimité est respectée par des bassins individuels, avec des obstacles pour garder leur instinct de survie intact. J'apprends aussi que ce ne sont pas les chromosomes dans l’oeuf qui derterminent le sexe de la tortue, mais la chaleur ambiante pendant la gestation. Les femelles viennent du chaud, et les mâles du froid.

  

      L’île a un charme indéniable. J’ai l’impression de me promener dans un tableau de Van Gogh, avec les chênes tentaculaires et leur mousse prisonnière qui valse dans le vent. Près de la côte, il y a un paquebot renversé. Un couple venu voir le spectacle me raconte que le bateau vient de Corée du Sud et est rempli de voitures neuves. Il est échoué ainsi depuis septembre, et un gros procès se déroule en ce moment pour savoir comment l’en sortir (enlever le haut, le découper en plusieurs morceaux…), et surtout, qui va payer pour le faire! Tout le monde espère que la situation va se régler avant la saison des ouragans.

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Jekyll Island
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Savannah

SAVANNAH - GÉORGIE - 150 Km

 

      Une canopée d’arbres expressifs marquent mon arrivée par une soirée aux odeurs printanières. C’est difficile d’expliquer toutes les couches de beauté de cette dame élégante qu’est Savannah. Peut-être que l’homme que je croise avec un iguane sur l’épaule le pourrait, ou celui qui a installé un speaker sur le toit de la poussette de son bébé. 

      La ville possède vingt-deux squares où il fait bon vivre. Il y en a eu vingt-quatre, mais deux d’entre eux ont succombé à la modernité. Les premiers ont été construits comme lieux de rassemblements militaires, puis les autres comme de bonnes raisons de s’asseoir sur un banc, de respirer la bonne odeur des fleurs et de méditer sur la statue ou la fontaine au centre de l’espace.

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      La Mercer Williams House est un incontournable, étant donné que c’est le film “Minuit au jardin du bien et du mal” qui m’a donné l’envie de venir à Savannah il y a de ça des années. La maison est le décor principal du film, et participe à lui donner ce look si envoûtant. Pendant que j’observe la demeure de l’extérieur, une femme me demande si j’ai vu le film. Que oui! Alors on se met à jaser. Elle hésitait à faire la visite guidée et ça lui prend pas grand chose pour la convaincre de m’y accompagner. 

      La maison a été construite entre 1860 et 1868, pour le général Mercer, qui au final n’y a jamais vécu. Elle passe de mains en mains, puis est abandonnée. Savannah est dans le déclin, la guerre de sécession ne l’épargne pas. Les années passent, et les bulldozers sont prêts à faire de la place pour une nouvelle salle de gym quand Jim Williams la rachète en 1969, celui du livre et du film. Il va sauver la ville de bien de façons. D’abord en achetant plusieurs propriétés et les sortant de leur état de ruine, puis par l’histoire de sa vie qui est racontée sur papier et à l’écran, apportant de la notoriété à la ville, et avec elle, des touristes. Jim Williams doit sa fortune à son bon goût. Il achète des antiquités, les retape et les revend. Il achète pour des collectionneurs, et en devient un lui-même. La maison est une œuvre d’art en soi: les fenêtres, les tapisseries, le choix des couleurs, tout se démarque par son élégance. Les meubles sont subtiles, les tableaux surprenants. L’architecture est étudiée pour garder la maison au frais lors des étés suffocants. L’escalier est surmonté d’un dôme en vitrail, lui aussi fait pour faire circuler l’air. Les murs sont clairs, sauf dans la salle de cigare, de teinte bourgogne, pour cacher la fumée. L’ancien quartier des esclaves, parce que le sud a malheureusement cette histoire incontournable, a été transformé en cour intérieure fleurie.

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      La Owens Thomas House est d’un autre genre. Plus sobre, elle a appartenu à un marchand d’esclaves, un homme riche donc, mais pas nécessairement un homme raffiné. Cependant, elle a la particularité d’être la première maison de la région à avoir un système d’évacuation d’eau (dans les années 1820s). L’eau de pluie était recueillie dans une citerne sur le toit, et circulait dans les murs de la chambre des maîtres, leur permettant de tirer la chasse. À l’époque, avoir des toilettes à l’intérieur d’une maison, pire, collées à une chambre, était considéré comme répugnant. Il était de meilleur goût d’aller faire ses affaires dans la cabane au fond du jardin. Mais comme dit précédemment, le bon goût ne faisait pas partie des habitudes des maîtres de toute façon.

 

      Je ne sais pas pourquoi j’aime autant visiter certains cimetières. Peut-être parce que certaines régions du monde n’y font pas que placer leurs morts pour les laisser à l’abandon, mais les transforment plutôt en lieu pour les vivants, pour qu’ils aient encore un lien avec leurs disparus. Le cimetière Bonaventure est de ceux qui ont inspiré des auteurs célèbres. Et il est, dès son entrée, tout bonnement extraordinaire. Je comptais m’y promener par moi-même, mais une visite va bientôt commencer et j’ai un bon pressentiment envers Dawn Martin, la guide. Elle se dit medium. Ça lui est tombé dessus, elle l’a pas choisi. Elle a vécu à Savannah toute sa vie, travaille dans le cimetière depuis douze ans, et change de chemin chaque jour. Des locaux viennent souvent pour qu’elle leur raconte l’histoire de leur famille qui repose ici. Dawn Martin connaît bien l’histoire de ces terres. Et j’imagine que ce qu’elle ne sait pas, elle se le fait raconter dans le creux de l’oreille par les locataires. 

      C’est une ancienne plantation, construite aux environs de 1760. C’était un endroit mondain, connu pour ses fêtes les plus incroyables, comme celles de Gatsby. La propriété est plus tard devenue un hôpital, puis un cimetière. Les allées ont été dessinées par les francs-maçons, d’où son architecture ponctuée de signes et de secrets. Elles sont accompagnées de chênes et de mousse espagnole, toxique paraît-il. On l’utilisait autrefois pour remplir les oreillers, donnant des crises d'urticaire à certains. De là vient l’expression “don’t let the bedbugs bite”. 

      Une autre histoire (Dawn Martin en a une réserve infinie!); lors de l’épidémie de grippe espagnole, beaucoup de familles enterraient leurs morts dans les murs de leurs maisons, pour les cacher du gouvernement qui voulait brûler les corps, et laisser leurs âmes errer à perpétuité. Lors de rénovations de vieilles maisons, il n’est pas rare aujourd’hui de trouver des squelettes dans les murs. D’où la réputation de Savannah d’être une ville hantée.

      Pour éviter que les jardiniers n’abîment les tombes avec leurs tondeuses, les familles des défunts sont très imaginatives dans l’agencement d’arbustes et de murets. La plupart des parcelles sont pourvues de robinets, de l’époque où l’on venait piqueniquer le dimanche après l’église, pour entretenir les fleurs et raconter sa semaine à grand-mère. Des camélias et rosiers embaument l’espace, en plus de lui donner de la couleur qui détonne des multiples statues emblématiques de pierre blanche. Certaines tombes sont connectées à une death bell, une cloche qui prévient du pillage de dents en or. On essaie d’entendre des échos du fameux farewell dinner party. Quand c’était encore une plantation, un feu s’est déclaré dans les cuisines de la propriété lors d’une fête. Qu’à cela ne tienne, les convives ont sorti des tables et des chaises et ont continué l’événement à l’extérieur, pendant qu’une bonne partie de la maison se réduisait en cendres.

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      En après-midi, j’intègre une visite guidée de la ville. Le meneur a un accent qui me rend la compréhension difficile, et je pense plusieurs fois à feindre de me perdre, mais je m’accroche. Des bribes de phrases décodées parlent du nom de Savannah, dérivé du mot savane (africaine), ce à quoi ressemblait la ville quand elle a été “découverte” en 1737. Là, quelqu’un a dit, c’est moi qui l’ai vu en premier, alors c’est moi le chef. On traverse Chippewa Square, rendu célèbre par un Forrest Gump qui y attend un bus en mangeant du chocolat. Le banc a depuis été déplacé à cause de la masse humaine qu’il amenait. Ça n’empêche pas les fans de se prendre en photo sur un autre banc, en position bien droite, les mains sur les genoux, alors qu’un passant crie “it’s not the right bench!”.

      Concentration! Le guide ne s'assoit pas, lui, mais continue plutôt de nous bombarder d’informations avec son parler peu compréhensible. Le général Sherman, de l’Union, a coupé les lignes de ravitaillements du Sud qui passaient par Savannah en 1864, suivant sa politique de la terre brûlée: tout détruire chez l’ennemi. La ville a une position clé par sa proximité de l’embouchure du fleuve vers l’océan Atlantique, et ça en fait une cible de choix. Elle est dévastée, encore plus quand le treizième amendement interdit la main d'œuvre gratuite.

      Un bulldog dans une poussette nous dévisage. Serait-ce Uga, la mascotte des équipes sportives de l’université de Géorgie? Donné en cadeau en moquerie à Sonny Seiler lorsqu’il était à l’université par sa belle-famille qui ne l’appréciait guère. Uga (numéro 10 maintenant) est, depuis les années 50s, un emblème dans le monde du sport; et Sonny a fait une brillante carrière d’avocat, très médiatisé depuis qu’il a représenté Jim Williams dans une histoire de meurtre mystérieux. Il travaillait pour la firme Armstrong house, du nom de la maison dans laquelle elle s’est installée. Bâtie pour la famille Armstrong, elle fût l’une des propriétés rachetées par Jim Williams dans sa volonté de remettre la ville sur pied. Il en fit un magasin d’antiquités, avant de devenir la demeure de la firme d'avocats la plus connue  depuis les années 70s. On a presque envie d’avoir un litige pour aller voir l’intérieur. La visite se termine à la fontaine du parc Forsyth, majestueuse œuvre qui a été construite pour montrer au monde la maîtrise de la pression d’eau, en 1858.

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      Le Tailfair museum n’est pas très grand et est assez épuré. L’architecture est très belle à observer, mais ce que je viens voir, c’est la sculpture Bird Girl, réalisée par Sylvia Shaw Judson en 1936. Au départ, c’était une simple fontaine pourvue de deux mangeoires à oiseaux, déposée au cimetière Bonaventure. Le livre, puis le film Minuit au Jardin du Bien et du Mal l’ont rendu célèbre. La horde de touristes menaçant l’intégrité du lieu de repos éternel, la statue a été apportée au musée. C’est une fille tenant deux plateaux, des mangeoires. Elle rappelle la figure de la justice. Son visage à l’expression neutre connote l’impartialité, et pourtant, sa tête penche clairement d’un côté, tenant le spectateur en haleine; penche-t-elle vers le bien, ou vers le mal?

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      Pour ma dernière soirée dans la région, je quitte la ville et roule vers la côte, à Tybee Island. Je partage la plage avec les mouettes et une poignée de promeneurs.  Les plages sont utilisées très différemment l’hiver. Pas de démonstration de beach body, pas de château de sable, juste l’imposant horizon, la grande étendue de sable, et le bruit de vagues. Le coucher de soleil change la lumière toutes les deux minutes, j’essaie de suivre, et d’apercevoir l'Afrique, qui je le sais est quelque part en face.

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      Je n’ai pas envie de quitter Savannah. Je vais la goûter une dernière fois au Mate Factor avec un déjeuner bien réconfortant. Un vrai charme. Restaurant style chalet au bord de l’eau, et de bonnes saveurs. En plus, c'est dimanche, le ton est à la détente dans la salle, au moment en famille ou avec un journal. 

Asheville

ASHEVILLE - CAROLINE DU NORD - 564 Km

 

      Asheville, en Caroline du Nord (“Tar Heel State”), est une ville de montagne, dont les petites rues en forte pente mettent à l’épreuve mon habilité aux démarrages en côte. Les maisons ont toutes l’air chaleureux, et entourées d’arbres. J’y retrouve Philomène, une amie de Montréal qui a suivi son maintenant mari dans ce petit coin de paradis. On commence tranquillement avec un thé au Trade and Lore. Elle me connaît, sait que j’ai pas arrêté de bouger dans les dernières semaines, et ça déteint avec la vocation d’Asheville. Ici, on se détend, on respire, on médite, on fait une salutation au soleil. Philo me fait remarquer la clientèle. Il y a beaucoup de travailleurs indépendants dans la région; peu de gens vivent au rythme du 9 à 5. Le monde est calme, réfléchi, en quête de plénitude. La plupart des entrées de lieux publiques ont une enseigne indiquant qu’il n’y a aucune discrimination de genre. Homme, femme, lesbienne, gay, transgenre, travesti, hermaphrodite, non genré, elle, lui, eux, ça, bienvenus. Pas de genre pour les toilettes non plus, que du non binaire. C’est tellement clairement indiqué que ça paraît un peu comme celui qui cherche désespérément à avoir l’air cool. Mais l’idée est très bonne.

      On entre dans un restaurant. Ça fait presque un mois que toutes les sections végétariennes des menus ne sont juste qu’une déclinaison de toutes les façons de cuisiner une pomme de terre. Là, j’ai du choix, et philo rit de moi devant mon engouement à déguster mon plat sain et savoureux.

      On se promène en ville, avec ses murs décorés, avant de retourner chez Philo, dans sa belle petite maison qui sent le feu de cheminée. On parle de tout et de rien pendant que son mari prend son bain d’après-midi. Madame Lululemon me prête du linge, car je les accompagne à leur cours de yoga du soir. C’est Randy qui nous accompagne dans notre expérience. Randy porte des mini short bouffants, pour laisser les jambes libres, sans révéler trop d’intimité. Les trente premières minutes sont une discussion sur des écritures yogis. Comment être honnête envers sa propre nature, et vivre en ascète. C’est comme planer sur du Pink Floyd. Mais ces gens-là savent rester dans cet état transcendantale, moi j’ai du mal à lâcher ma nervosité mêlée de curiosité. Ensuite, on enchaîne les postures (avec plus ou moins de facilité). Randy nous incite à écouter notre corps et à comprendre comment l’utiliser pour arriver aux positions désirées. J’écoute, Randy, j'écoute.

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      Pendant que Philo et Adam fêtent leur première année de mariage, je pars faire une randonnée au Pisgah National Forest. Les Appalaches sont juste là, je peux pas ne pas aller leur rendre visite. Il y a en masse de ballades à faire, et je me décide sur la Looking Glass, recommandée, et au nom plaisant. La pluie bat son plein sur la route et je me demande bien pourquoi je suis là, plutôt qu’en train de lire avec un bon thé dans un des nombreux cafés sympathiques de la ville. Mais je ne sais pas pourquoi, quand il est question de randonnée, je n’aime pas me laisser décourager par les éléments. J’ai besoin de vivre avec, de me mêler à Dame Nature, quelle que soit son humeur (dans la limite du sécuritaire). En demandant mon chemin à une park ranger, elle me déconseille la Looking Glass par ce temps, et m’oriente plutôt vers la Cat Gap Look. Ok.

      La pluie s’arrête, mais sans oublier de laisser une belle boue derrière elle. Recouvre moi, Dame Nature. Au sommet, je croise un groupe d’hommes qui a pas mal l’air en réhabilitation. Tatouages, vêtement de ville en montagne, un meneur qui parle de recherche de force intérieure. Je  m’arrête un peu plus loin et procède avec eux à un moment de silence et de recueillement. Ça fait toujours du bien. On est sur un gros rocher, face au Looking Glass. Il est bien caché par les nuages, mais leurs mouvements incessants nous laissent l’entrevoir par moments. Ça vaut la peine d’être toute boueuse. Je traverse le groupe qui s’écarte sur mon chemin, code de randonneur, et je poursuis ma quête du sentier. Le soleil perce les nuages dans la descente, révélant des arbres en tortillon et des pierres moussées. En bas, c’est le printemps, le soleil chaud qui fait conduire la fenêtre ouverte et sentir l’odeur de l’atmosphère.

      Après une douche nécessaire, je vais faire un dernier tour dans Asheville et m’arrête au French Broad Chocolate, comme promis à Philo, déguster un liquid truffle. Du bonheur sur mes papilles.

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Centralia

ASHVILLE - MONTREAL - 1809 Km

 

      Et c’est le retour. Je l’estime à trois jours de route, pas très réjouissant. Je traverse la Virginie, “Old Dominion”, puis la Virginie occidentale, “Mountains State”, pendant que la chanson Take me home, country roads ne quitte pas ma tête. Puis c’est la Pennsylvanie, “Keystone State”. Heureusement l’application roadtripper me donne des points d’intérêts sur le chemin, ça permet de séparer les journées en plusieurs étapes. Comme par exemple le Hershey’s chocolate world. Une visite de l’usine de chocolat commence dans trente minutes, mais c’est trop d’attente. Dommage, j’aurais voulu rencontrer Willy Wonka. 

      Je m’arrête ensuite à Centralia, ancienne ville minière où on extrayait entre autres de l'anthracite, et où une autoroute a été abandonnée et est devenue une œuvre d’art. Abandonnées, les mines ont ensuite servi de site d’enfouissement des déchets. Mauvais calcul, car en mai 1962, le feu pogne. Un feu qui, encore aujourd’hui, n’est pas tout à fait éteint. Les émanations ne sont plus dangereuses, mais c’est encore là, sous terre. À cause de ça, une partie d’autoroute a été fermée à la circulation. Au fil des années, cette étendue d’asphalte est devenue un tableau gris clair de création et d’expression. Dessins, graffitis, poèmes… Les effluves de peinture dosent l’ancienneté des œuvres. Des ados font un photoshoot, un couple de retraités se promène, un autre de gars cherche un bout de terrain vierge ou presque pour y apposer leur marque. C’est un arc-en-ciel bien mélangé, ou la route du magicien d’oz sur les champignons magiques. 

      J’ai faim et trouve un dinner proche. Un de ceux piégés dans le temps, aux tabourets de bar ronds rouges à côté du jukebox. La serveuse, en fin de secondaire, est avide d’anecdotes de voyages. Elle m’écoute avec de grands yeux ronds, accoudée au comptoir, les mains au menton. Comme si j’étais Mike Horn. Elle regarde Tiger comme la batmobile. Moi aussi des fois. Elle a hâte de sortir de cette ville où il ne se passe jamais rien, selon elle. Du quatre roues l’été, l'hibernation l’hiver. Sa période préférée, c’est la saison de football, qui donne lieu à de grands rassemblements tous les vendredis. Quand elle était petite, la ville sentait le soufre, à cause du feu. Mais ça va maintenant, il est presque éteint.

*En juin 2020, les rassemblements sur l’autoroute étaient tellement importants à cause de l’épidémie et du manque d’activités, que les autorités ont décidé de la recouvrir de terre. C’est la fin d’une histoire, mais la légende continue.*

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      Vient le moment où c’est mon adresse que je mets sur mon GPS, et plus un lieu à découvrir. Je passe une dernière nuit à Gananoque, juste passé la frontière. C’est quand même réconfortant de revenir au pays. Le dernier jour, il me reste peu de route, que je rallonge en prenant la 1000 island highway, juste parce que c’est beau et que j’ai le temps.

      J’arrive chez moi à midi. Une place de parking m’attend juste devant ma porte. Ça fait drôle, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire du reste de la journée? J’ai hâte de dormir dans mon lit, d'utiliser ma douche, faire mon épicerie, voir mes amis. Par quoi je commence?


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total du voyage: 7925,5 Km

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